Le syndic provisoire et judiciaire

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Bibliographie

- Corinne Mostin : "Le contrôle judiciaire de la mission du syndic désigné par le juge de paix" (RCDI 2016/1 - 18)
- Corinne Mostin : "le syndic nommé judiciairement en application de l'article 577-8 §1er du Code civil (JJP 2009, pp.445-448)
- Corinne Mostin : "Syndic judiciaire et syndic provisoire :
quelle mission leur confier, qui désigner et comment assurer le contrôle de cette mission ?"
RCDI 2009/3, p.19;
- Corinne Mostin : "L'action en nomination judiciaire du syndic et l'action en désignation d'un syndic provisoire : deux procédures distinctes pour aboutir au même résultat ?" JJP 2000, p.355;

Chronique de jurisprudence : nomination et désignation du syndic

Dans les nouveaux immeubles à appartements, le 1er syndic est en général désigné par les statuts, à défaut d'une telle désignation statutaire, il est nommé par la première assemblée générale.
Les dispositions de l'article 577-8, §1er précisent également, lorsque le syndic n'est pas nommé par la première assemblée, il est nommé par décision du juge, à la requête d'un copropriétaire.

Sur base de cette disposition (577-8,§1er), lorsqu'une requête était déposée en vue d'entendre nommé le 1er syndic, le juge estimait que cette demande n'était pas recevable, tant que l'assemblée n'avait pas été saisie au préalable de la nomination du syndic. Depuis, plusieurs décisions ont renoncé à l'application stricte de cette disposition, en estimant qu'il y a avant tout urgence qu'un syndic soit en place pour assurer la gestion de la copropriété (Juge de paix du 8ème canton de Bruxelles).

Actuellement, cette disposition est souvent utilisée lorsqu'il n'existe pas de syndic valablement nommé.
(Décision contraire : Juge de paix de Marchienne au Pont, Jugt 8/11/1995).

Ainsi, en l'absence de syndic (577-8,§1er), une requête unilatérale (art. 1025 et svts c.j.) est déposée sur base des dispositions de l'article 577-8,§1er signée par un avocat, et cela à la requête de tout copropriétaire.
Certains estiment préférable d'utiliser la requête contradictoire basée sur l'article 1034bis du Code judiciaire ou tout simplement la citation, afin de mettre à la cause l'association des copropriétaires, permettant ainsi de rendre la désignation du syndic opposable à l'association des copropriétaires.

Cette solution paraît être sage puisqu'il s'agit de la part du juge de nommer un syndic à la place de l'assemblée générale et d'autre part, c'est l'assemblée qui devra assumer le contrôle de ce mandat judiciaire (...).

Désignation d'un syndic provisoire

Il est précisé également au §7 de l'article 577-8, "en cas d'empêchement ou de carence du syndic, le juge peut désigner un syndic provisoire..."

Cet article accorde au juge le pouvoir de désigner, à la requête d’un copropriétaire, et pour la durée qu’il détermine, un syndic provisoire en cas d’empêchement ou de carence du syndic ;

Les hypothèses visées par cette disposition sont généralement entendues dans le sens ou tout manquement sérieux du syndic à ses obligations légales. Suivant la jurisprudence, une telle situation peut justifier la nomination d’un syndic provisoire (voy. notamment JP Saint-Josse-ten-Noode, 29 août 2008, RCDI 2008/4, p.23 ; JP Molenbeek-Saint-Jean, 15 janvier 1997, JJP 2000, 367 et JP Saint-Josse-ten-Noode, 25 octobre 2001, JJP 2002, 177) ;

Ainsi des manquements sérieux, révélateurs d’une mésintelligence grave qui s’est installée au sein de la copropriété, peuvent justifier l'application de cette disposition.

Le législateur a envisagé la carence complète du syndic qui pour une raison quelconque n'est plus en mesure d'exercer ses fonctions alors que l'assemblée générale ne veut ou ne peut pas immédiatement le révoquer et nommer son remplaçant.

Dans un jugement du 18 avril 1997 (RW 1998-99, 196) le tribunal de première instance de Bruges avait précisé la carence du syndic en jugeant qu'un syndic provisoire peut être désigné par le juge quand les intérêts de l'association sont opposés à ceux du syndic, quand plusieurs copropriétaires dépendent d'une manière ou d'une autre du syndic ou lorsque les copropriétaires sont manifestement mal informés par le syndic. Il s'agit d'une appréciation au cas par cas, il faut toutefois que la situation soit grave et sérieuse.

Il ressort des critères retenus par la loi et l' application
qu'en ont fait les tribunaux que le syndic doit être empêché d'agir ou qu'il y ait dans son chef une carence manifeste dans l'exécution de son mandat et des missions lui confiés par l'assemblée générale.

Jugé "que le refus répété d'inscription à l'ordre du jour de l'AG. de points demandés viole effectivement l'article 19 des statuts de la copropriété";
"qu'il n'appartient pas au syndic de juger lui-même de la pertinence d'un point et/ou de ses chances d'approbation par l'AG. mais qu'il doit au contraire permettre le débat au sein de celle-ci, organe souverain de la copropriété (Saint-Josse-ten-Noode, 29 août 2008)";

Que toutefois, cette carence ne doit pas résulter de problèmes ponctuels qui ne sont pas assimilables à une carence telle que définie par les dispositions de l'article 577-8, §7.

Le juge peut ainsi intervenir dans la désignation d'un syndic provisoire :
- un abandon du syndic de ses fonctions mettant en périls la gestion de la copropriété;
- des attitudes suffisamment graves, qui ne permettent plus de gérer sereinement la copropriété.
- des mésintelligences graves

Il doit exister une certaine urgence à rendre la désignation d'un syndic provisoire souhaitable. Si ce n'est pas le cas, comme le rappelle très justement le juge de paix de Jette (7 octobre 2005), il revient alors aux copropriétaires réunis en assemblée générale d'apprécier les mérites du syndic.

Dans le cadre de cette procédure, le syndic doit être obligatoirement appelé à la cause.
Il s'agit donc d'une procédure introduite sur base d'une requête contradictoire, article 1034 bis du code judiciaire (577-8,§7).

Mission confiée par le Juge

Comme le rappelle Maître Mostin, la loi et ses travaux parlementaires ne donnent aucune indication quant à la mission concrète que le juge peut confier au syndic qu'il nomme ou désigne.

Lorsqu'il est nommé par le juge, le syndic judiciaire doit assumer le même rôle que celui qui est désigné par l'assemblée générale. De nombreuses décisions chargent le syndic d'assumer ses pouvoirs tels qu'il sont définis par la loi et les statuts. Parfois, certaines décisions précisent de manière plus explicite en quoi consistent les pouvoirs du syndic (Voir JP Fontaine-l'Evêque, 7 juillet 2008).

Il arrive que le syndic soit nommé pour une mission plus partielle, une tâche unique en vue d'organiser une assemblée générale, le juge estimant que le syndic doit être avant tout nommé par l'assemblée générale.

On constate souvent que la désignation du syndic, qu'elle soit sur base des dispositions §1er ou du §7 de l'article 577-8, le syndic nommé devra faire face à une situation conflictuelle.

Une fois désigné par le juge de paix, le syndic devra faire rapport de ses prestations à l'assemblée générale afin de permettre aux copropriétaires de prendre attitude quant à l'approbation de sa mission (comptes, travaux).

Maître Mostin souligne que certains jugements prévoient la possibilité d'obtenir une prolongation, au cas ou le syndic n'aurait pu finaliser sa mission dans les délais.
Si la demande de prolongation émane des copropriétaires, ceux-ci pourraient en formuler la demande au syndic et éventuellement solliciter la tenue d'une assemblée qui pourrait autoriser cette prolongation.

Il faut constater que le syndic nommé par le juge, doit se conformer à la mission légale et statutaire. Il ne dispose donc qu'un pouvoir d'exécution des décisions de l'assemblée, sous réserve des actes qu'il peut accomplir seul conformément aux dispositions de l'article 577-8, §4,4°.
Ainsi, seule l'assemblée générale des copropriétaires est investie d'un pouvoir général décisionnel.

On pourrait estimé l'assemblée conserve tous ses pouvoirs et peut donc révoquer ad nutum le syndic judiciaire en application de l'article 577-8, §6 du Code civil.

Maître Mostin constate que lorsque le syndic est nommé pour une mission partielle, l'assemblée générale est privée de son droit de le démettre pendant la durée de la mission qui lui est confiée, et cela afin d'éviter que le jugement ne soit pas privé de tout effet (JP Schaerbeek, 10 janvier 2007 et 8 janvier 2007).
Lorsque syndic nommé par le juge d'accomplir une mission complète à titre de syndic judiciaire, l'assemblée conserve le droit de le démettre.




Jurisprudence


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- Désignation d'un syndic judiciaire - Condition - Intérêt : Aucune autre condition que celles reprises à l'article 577-8, § 1 al. 1er, du Code civil n'est requise pour obtenir en justice la désignation d'un syndic judiciaire. Il est, dès lors, sans incidence que le copropriétaire agissant en justice ne démontre pas avoir effectué des démarches préalables à son action ou avoir pris contact avec les copropriétaires afin de trouver une solution amiable. Le premier juge a invoqué l'irrecevabilité de la demande originaire de Monsieur J.-B.N, à défaut d'intérêt légitime. En vertu de l'article 17 du Code judiciaire, l'action ne peut être admise si le demandeur n'a pas qualité et intérêt pour la former. L'intérêt consiste en tout avantage matériel ou moral, effectif mais non théorique que le demandeur peut retirer de la de¬mande au moment où il la forme (D.MOUGENOT, Rép.Not., « Principes de droit judiciaire privé », n° 33 et suivants). L'intérêt doit être concret, direct et personnel (RDCI 2017/1 – p.37).
Tribunal de première Instance de Bruxelles,, jugement du 14 novembre 2016

- Groupe d'immeubles -
Syndic provisoire
: Quand l'acte de division du 25 mai 2012, il est prévu que le complexe comprend deux immeubles et deux sortes de parties communes, les parties communes générales et les parties communes particulières, cela constitue la répartition en vertu de laquelle les assemblées générales respectives sont compétentes
Dans l'hypothèse où le syndic convoque une assemblée générale sans indiquer quelle assemblée générale de quelle association doit se réunir, il convient de nommer une syndic provisoire avec pour mission de convoquer une assemblée générale avec comme ordre du jour la nomination d'un syndic pour l'association principale et les associations partielles de copropriétaires (RCDI 2016/3 - p. 24).
Vredegerecht Tienen, 30 mai 2016

- Syndic provisoire - Fin de mission La mission du syndic nommé par le juge ne prend fin dès la désignation par l'assemblée générale d'un syndic ordinaire, suivant les termes de l'ordonnance qui l'a désigné, même si le syndic nommé par l'assemblée générale refuse en définitive d'assumer sa mission.
II convient dès lors de faire droit à la nouvelle demande de désignation d'un syndic, l'association des copropriétaires en étant dépourvue.
A défaut de dispositions particulières réglant le déroulement et le contrôle de la mission d'un syndic judiciaire désigné par le juge en application de l'article 577-8, §1er C. civ. ou du syndic provisoire désigné en application de l'article 577-8, §7 C. civ., il convient d'appliquer par analogie les dispositions applicables en matière d'expertise judiciaire (RCDI 2016/1 -16)
Justice de paix de Woluwé-Saint-Pierre, jugement du 7 septembre 2015

- syndic provisoire – honoraires : La désignation d’un syndic provisoire par le juge de paix a pour conséquence que le syndic provisoire est soumis au statut de syndic et toutes ses prérogatives et obligations. Bien qu’il soit désigné par le juge de paix, le statut de syndic provisoire ne peut être assimilé au statut d’expert judiciaire, et partant les dispositions du Code judiciaire relatives à l’expertise ne sont pas d’application. Le syndic provisoire échappe en effet à tout contrôle du magistrat qui l’a désigné, et ne doit rendre compte qu’à l’assemblée générale.
Est dès lors irrecevable la demande de taxation adressée au juge de paix. Le syndic provisoire est tenu de facturer ses frais et prestations à l’association des copropriétaires, et en cas de contestation, il pourra éventuellement faire valoir sa créance auprès du tribunal compétent.
Justice de paix d'Etterbeek,,Jugement du 15 mars 2012