Dans son avis du 13 décembre 1999 (n°34/99), la commission a rappelé que la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel s'applique au traitement d'images.Elle rappelle que les principes fondamentaux de la loi, tels qu'analysés dans le cadre de cet avis
s'appliquent incontestablement
aux systèmes de vidéo-surveillance utilisés dans les halls d'immeubles à appartements multiples.
La commission rappelle que la loi s'applique à l'utilisation de caméras de vidéo-surveillance dès lors que les images filmées se rapportent à une ou plusieurs personnes physiques identifiées ou identifiables, que les images fassent ou non l'objet d'une conservation (article 1er, §2 et article 3).
Quelles règles de base faut-il respecter comme responsable du traitement d’images vidéo ?
Deux règles pratiques pouvant être déduites de la loi sur les traitements de données à caractère personnel, auxquelles s’ajoutent quelques exigences spécifiques découlant de celles-ci.
1. Première règle pratique : veiller à ce que le système de vidéo-surveillance fasse l’objet d’une publicité / communication suffisante (principe de transparence)
-L’intéressé (la personne filmée) a le droit d’être informé de l’existence et des modalités d’utilisation du système de vidéo-surveillance.
Ce principe peut être développé comme suit :
1.- Obligation d’information (art. 9 de la loi du 8/12/92)
Le responsable du traitement (l’association des copropriétaires ou le syndic) doit principalement communiquer les informations suivantes aux personnes filmées :
- le nom et l’adresse du responsable ou de son représentant;
- les finalités du traitement (par exemple : sécurité / prévention de vol) ;
- le cas échéant : les tiers ayant directement accès aux images (sous-traitant) ;
- le droit reconnu aux personnes filmées de consulter les images vidéo (droit d'accès et d'opposition).
Toutefois, la loi ne tranche pas directement la question du mode d’information des personnes filmées. Il est préférable d’opter pour une forme d’information claire, par exemple un panneau avertissant les personnes filmées au plus tard au moment de la prise des images.
Mention possible pour un panneau d’avertissement :
Société………………
Vidéo-surveillance 24h/24
Sécurité / Prévention du vol
Tél. : .. /……….
De cette façon, les visiteurs disposent de toutes les informations quant à l'identité du responsable du traitement et d’un numéro de téléphone auquel ils peuvent obtenir des renseignements complémentaires sur la vidéosurveillance.
2.- Obligation de déclaration
Le responsable du traitement doit également déclarer ce traitement d’images vidéo auprès de la Commission de la vie privée. Cette déclaration peut être effectuée sur papier (au moyen d’un formulaire qui peut être obtenu auprès de la Commission) ou par voie électronique, via le site Internet de la Commission (www.privacycommission.be – rubrique « déclaration »). Pour de plus amples informations à ce sujet, vous pouvez prendre contact avec le service compétent : tél. 02/213.85.99.
Un même traitement doit parfois faire l’objet éventuellement de plusieurs déclarations, s’il poursuit différentes finalités.
La Commission insiste toutefois sur le fait qu’elle n’accorde aucune permission, approbation ou autorisation officielle pour l’installation d’un système de vidéosurveillance.
Par contre, sur base d’une plainte, la commission est amenée à vérifier si la situation de la vidéo respecte les recommandations, et éventuellement trouver un compromis entre les parties.
2.Deuxième règle pratique : de façon imagée « la fin ne justifie pas les moyens ». La vidéosurveillance ne peut en effet être employée qu’en dernier recours
Des finalités déterminées et légitimes.
La vidéosurveillance doit reposer sur une finalité légitime. La Commission recommande donc de délimiter, aussi clairement et aussi concrètement que possible, la finalité. La finalité du traitement doit être clairement définie. L'utilisation de caméras dans un hall d'immeuble aura généralement pour finalité la protection contre les atteintes aux biens et aux personnes. Cette finalité devra être explicitée dans l'avis informatif placé dans le hall de l'immeuble.
- L’exigence d’une utilisation compatible.
Les images enregistrées ne peuvent pas être utilisées à d’autres fins que celles déclarées par le responsable. Il est important de signaler que la Commission ou le juge compétent peut non seulement contrôler la finalité déclarée mais également la finalité réelle.
- La vidéo-surveillance peut uniquement être envisagée comme un remède ultime : le principe de proportionnalité.
L’opportunité de recourir à un système de vidéo-surveillance doit toujours être examinée à la lumière du « principe de proportionnalité ».
Cela implique non seulement que le système de vidéo-surveillance doit être utile mais aussi qu’il doit être nécessaire en fonction de l’objectif poursuivi, et qu’il ne peut pas constituer une mesure excessive.
En vertu du principe de proportionnalité, l'intérêt général ou les intérêts légitimes du gestionnaire (assurer la sécurité), doivent être mis en balance avec le droit à la protection de la vie privée de la personne enregistrée.
Dans l'hypothèse de l'utilisation de caméras dans un hall d'immeuble, les intérêts en jeu sont d'une part, la sécurité des personnes habitant l'immeuble et leurs biens, ainsi que la sécurité des visiteurs, et d'autre part le respect de la vie privée des personnes habitant l'immeuble ainsi que de celle des visiteurs.
Ainsi, le placement d'une caméra de surveillance dans le hall d'entrée, en présence de l'entrée d'un cabinet de médecin sera totalement incompatible avec le droit des patients de ce spécialiste au respect de leur vie privée.
La commission s'est prononcée dans son avis n° 34/99 pour une appréciation stricte du respect du critère de proportionnalité lorsque l'utilisation de caméras de vidéo-surveillance est effectuée dans des lieux non accessibles au public, en demandant notamment que le consentement des personnes concernées entre en ligne de compte dans une telle appréciation.
Si dans le cas d'espèce un hall d'immeuble ne peut être considéré comme un lieu non acessible au public, sa fonction de "sas" d'accès à un lieu privé requiert néanmoins que des garanties suffisantes soient adaptées.
Ainsi l'assentiment des personnes habitant l'immeuble devrait être recueilli, par exemple, par le biais d'un vote conforme au règlement de l'assemblée des copropriétaires, sous réserve du respect du principe de proportionnalité.
Ainsi, nous avons défini la légitimité d'un traitement par le principe de la proportionnalité, du consentement des personnes concernées, qu'il doit s'agir d'un moyen adéquat et nécessaire à la réalisation de l'objectif poursuivi, c'est à dire qu'il n'existe pas d'autres moyens moins attentatoires à la vie privée, mais en toutre que les images traitées ne peuvent être utilisées d'une manière incompatibles avec le but poursuivi.
Ainsi, la notion d’« utilité » signifie qu’il faut bannir tout enregistrement non pertinent.
On peut notamment penser à des caméras qui ont pour but de protéger une entreprise mais qui sont également orientées sur la voie publique ou sur des lieux pouvant en faire partie, tels que des places de stationnement.
La vision de la caméra vers la voie publique n'est pas pertinente en fonction de la finalité et des objectifs poursuivis par traitement.
Les images traitées doivent donc être adéquates, pertinentes et non excessives par rapaport à la finalité poursuivie.
L'installation d'une caméra dans un hall d'entrée d'immeuble devra être effectuée de façon à ce que n'entrent pas dans son champ que les images strcitement nécessaires à la surveillance envisagée.
Le concept de « nécessité » implique que le responsable doit pouvoir prouver qu’il ne dispose réellement plus d’aucune alternative efficace pour atteindre son objectif.
Pour cela, il peut par exemple invoquer le fait qu’il est constamment victime d’infractions graves ou fournir l’avis d’un expert en sécurité indépendant qui évalue les diverses mesures de sécurité et leur incidence sur la vie privée.
D’autre part, l’utilisation du système de vidéosurveillance ne peut pas rompre l’équilibre entre les intérêts de la personne filmée et ceux du responsable du traitement.
Ainsi, dans des cas où cette mesure est ressentie comme manifestement ‘trop lourde’ - par exemple si une école souhaite contrôler le respect du règlement scolaire à l’aide d’une caméra ou si un propriétaire désire s’assurer par ce moyen que ses locataires appliquent le règlement locatif –, il est absolument exclu d’installer un système de vidéosurveillance.
Il serait souhaitable, si vous estimez que des problèmes de sécurité se posent dans l’immeuble, de contacter les forces de police et d’envisager, avec ces dernières, des mesures préventives et répressives.
- Délai de conservation des images vidéo
Il y a également lieu d’insister sur le fait que les images ne peuvent pas être conservées plus longtemps que le temps strictement nécessaire à la réalisation des finalités visées.
En temps normal, la Commission préconise un délai maximum de conservation de plus ou moins une semaine mais recommande d’effacer les images plus rapidement chaque fois que c’est possible, à savoir au plus tard dès le moment où l’on a pu vérifier qu’aucun incident n’avait eu lieu.
Ainsi, les données enregistrées par une caméra située dans un hall d'immeuble devraient être effacées dans un délai particulièrement bref. La commission estime qu'un délai de conservation des données de 24 heures ou 48 heures apparaît donc suffisant au regard de la finalité poursuivie dans la mesure où aucune atteinte aux biens ou aux personnes n'est constatée dans ce délai.
Les données doivent par ailleurs être conservées par une personne déterminée, et ne doivent pas être accessibles aux tiers en deors des possibillités prévues par la loi en matière de droit d'accès de toute personne à ses propres données.
Une personne déterminée est une personne ayant des compétences techniques nécessaires afin de permettre notamment un accès spcifique des personnes concernées à leurs données à cractère personnel.
3. Exigences particulières découlant de la loi
Outre les règles pratiques susmentionnées, vous devez également tenir compte de plusieurs principes particuliers qui découlent de la loi, tel que l’obligation de protéger les images. Un autre principe particulier concerne le respect du droit d’accès reconnu aux personnes filmées. Comme indiqué plus haut, il est préférable d’en faire mention sur le panneau d’information et d’indiquer à cet effet un numéro de téléphone.
4. Conclusion
Le responsable du traitement d’images vidéo a tout intérêt à respecter la Loi, notamment les principes de base (obligation de déclaration, Droit à l’information, droit d’accès aux personnes concernées, etc.). En effet, le non-respect de ces principes peut donner lieu à une condamnation pénale du responsable du traitement.
Une autre conséquence extrêmement fâcheuse doit être notée: bien souvent, les tribunaux n’accordent aucune force probante aux images vidéo enregistrées en contravention à la Loi.